Fatou Diome, l’un des meilleurs discours sur l’immigration clandestine
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Immigration clandestine : les vérités de Badara Ndiaye DIADEM face à l’union européenne
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Tenter l’aventure par la Mauritanie : migrations transsahariennes et recompositions urbaines
La République Islamique de Mauritanie (RIM) est un vaste territoire sahélo-saharien en même temps qu’un jeune pays peu peuplé (population estimée à 2,7 millions d’habitants en 2003 par la Banque Mondiale). Située entre le Sahara Occidental/Maroc et le Sénégal, elle constitue un entre-deux culturel, regroupant une population maure, d’origine arabo-berbère, et une population négro-africaine. Sa position géographique charnière, qui en fait un trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique noire, lui confère une place de choix dans le système migratoire africain.
2La Mauritanie n’est pas à proprement parler un nouvel axe de transit. Le faisceau d’anciennes pistes impériales rappelle l’importance des échanges dans cette région [Puigaudeau, 1954]. Mais, en lieu et place des caravaniers, ce sont aujourd’hui des milliers de subsahariens qui réactivent ces anciens tracés et en ouvrent de nouveau. Contrairement au Sahara central qui a été largement étudié [Bensaad, 2002 ; Bennafla, 1997 ; Grégoire et Schmitz, 2000 ; Pliez, 2003 ; Spiga, 2002], les itinéraires qui sillonnent cet espace demeurent mal connus. Si les flux sont moindres, les migrants qui veulent gagner l’Europe n’hésitent pas à se détourner de l’axe central qui passe par Agadès, Tamanrasset et Sebha pour tenter l’aventure plus à l’Ouest. Diversifiant les routes, les migrants « remontent » vers la Mauritanie, faisant de Nouakchott, la capitale, et Nouadhibou, deuxième ville du pays, de nouveaux carrefours migratoires.
3Aujourd’hui, la question des circulations migratoires se pose avec acuité à l’échelle de la Mauritanie. L’État mauritanien entend s’aligner sur les pays du Maghreb qui, suite aux pressions européennes, tentent d’enrayer ces flux par des politiques de plus en plus drastiques. Il se montre plus ferme envers les réseaux clandestins, à l’instar du Maroc voisin, que les migrants ont désormais du mal à atteindre ; aussi ces derniers se retrouvent-ils bloqués dans les « régions sahariennes, nouvel espace d’immigration par défaut » [Pliez, 2003].
4Notre développement essayera d’articuler les différents enjeux et conséquences de ces flux migratoires en Mauritanie. Ancien pays de départ, avec notamment les communautés soninké et halpulaar qui ont très tôt migré vers l’Europe, elle se présente aujourd’hui comme un grand réceptacle d’étrangers. Qui sont-ils ? Parviennent-ils à passer en Europe et par quels moyens ? Modifient-ils durablement le pays et les espaces urbains dans lesquels ils résident ?
Pour tenter d’apporter quelques réponses, il conviendra de définir la place de la Mauritanie dans ce système migratoire transnational en définissant les parcours depuis Nouakchott jusqu’à Nouadhibou, le présumé point de passage. Nous analyserons les nouveaux réseaux de sociabilité qui se mettent en place pour ensuite voir les traductions urbaines et les transformations induites par les circulations migratoires.
La Mauritanie dans le système migratoire ouest-africain
La voie « mauritanienne » demeure encore peu connue, alors même que les enquêtes menées [1][1]Ce papier s’appuie sur différentes enquêtes menées par les… démontrent que les subsahariens sont de plus en plus nombreux à l’emprunter. L’aventure en Mauritanie commence dès les frontières méridionale et orientale, avec plus ou moins de difficultés pour franchir le fleuve Sénégal ou quitter le Mali, et se fait par étapes, le long du littoral mauritanien (fig. 1).Fig. 1
6La Mauritanie s’inscrit pleinement dans le système migratoire ouest-africain par l’intermédiaire de trois pôles/villes de rebond qui structurent cet axe de transit et sont interdépendants les uns des autres : Rosso, à l’embouchure du fleuve, Nouakchott au centre – capitale politique –, et Nouadhibou, capitale économique située à la frontière du Sahara Occidental. Quelque 200 km de goudron séparent Rosso de Nouakchott où les migrants s’arrêtent ponctuellement. Ils essaient de parcourir au plus vite les 500 km de désert afin de gagner Nouadhibou, îlot humain enclavé. Jusqu’en 2004, seule une piste difficile à travers le sable assurait la liaison entre les deux villes : la durée du voyage était alors plus qu’aléatoire – de 12 à 36 heures. Aujourd’hui, une route goudronnée vient d’être achevée, plaçant Nouadhibou à 7 heures de la capitale [Antil, Choplin, 2004].
7Deuxième agglomération du pays avec 110 000 habitants, Nouadhibou, créée en 1906 sous le nom de Port-Étienne (qu’elle conserve jusqu’à l’indépendance), est au départ un ancien fort militaire colonial. Mais, elle est surtout un port de pêche et un débouché pour les activités minières de la SNIM (Société Nationale d’Industrie Mauritanienne qui exploite les mines de fer de Zouérate, appelée MIFERMA avant sa nationalisation en 1974). Cette activité a très tôt attiré la venue de main d’œuvre étrangère et fait de Nouadhibou une ville cosmopolite, ouverte sur l’extérieur. Déjà en 1970, Pierre Bonte estimait à 18 000 habitants la population de Nouadhibou, dont 11500 Mauritaniens, 3000 Africains, 1800 Français et 1 000 Espagnols [Bonte, 2001, p. 86].
8Depuis, le nombre d’étrangers n’a cessé d’augmenter, accompagnant la croissance de la population locale. Une rumeur circulerait en Afrique de l’Ouest : « À Dakar, on m’a juste dit qu’il fallait que j’aille en Mauritanie. Je ne savais même pas où c’était. J’avais juste entendu le nom “Nouadhibou”. Tous les aventuriers connaissent ce nom. On sait que c’est là-bas qu’on passe » (Jacques, Congolais RDC). Les migrants affluent, considérant Nouadhibou comme l’une des portes de l’Europe, convaincus que les Îles Canaries ne sont qu’à quelques encablures. Mais, la réalité est autre : les rives espagnoles sont bien loin et l’on ne passe pas – ou plus – à Nouadhibou. Certes, dans les années 1970, gagner l’Europe ne posait pas problème car le Sahara Occidental, alors dénommé Rio de Oro, était une colonie espagnole ; il était ainsi aisé de rejoindre Dakhla sur la côte depuis Nouadhibou. Mais, la guerre du Sahara, qui a débuté en 1975, a changé la situation (la zone est entièrement minée). Le mythe du passage à Nouadhibou relève du passé, et n’est plus aucunement d’actualité [2][2]Les autorités mauritaniennes estiment que 5 % parviendrait à….
Comment expliquer alors la permanence de ces flux migratoires sachant que les trajectoires se recomposent très rapidement et que les migrants font preuve d’une très grande flexibilité ? Pourquoi les candidats à l’exil ne préfèrent-ils pas l’itinéraire central, autrement dit la voie Agadez, Arlit, Tamanrasset, Reggane, Adrar ? Il semblerait que le mythe soit entretenu par les rares personnes qui parviennent à gagner l’autre rive et encouragent ainsi ceux restés sur place. Par ailleurs, les migrants qui échouent dans le Sahara central finissent par venir à Nouadhibou et informent leurs semblables sur les difficultés de cet itinéraire : « Là bas, c’est le désert. Y a pas d’eau et pas de travail… C’est plus dur. Ceux qui en arrivent disent qu’il ne faut pas y aller » (Souleymane, Sénégalais). Dès lors, les migrants refusent catégoriquement de quitter celle qu’ils nomment « Nouadhibou-du-monde ». « Je suis aux portes de l’Europe. Je ne vais pas partir à l’intérieur du Sahara. Je vais m’éloigner. C’est bête. Même aller à Nouakchott, cela m’éloigne » poursuit Souleymane. Nouadhibou n’est donc pas perçu comme un « cul-de-sac » mais bien comme une « antichambre » de l’Europe. Quitter la ville reviendrait pour les migrants à rebrousser chemin.
Itinéraires : les trois voies
9Nouadhibou, en tant que ville frontalière, place commerciale et port d’exportation, présente toutes les caractéristiques d’un carrefour migratoire stratégique. Mais, les trois possibilités de passage qu’elle semble offrir sont plus ou moins utopiques et fantaisistes [3][3]Les Mauritaniens qui, pour certains d’entre eux, sont aussi….
10La première solution, la plus sûre et la plus rapide, mais aussi la plus chère, est la voie maritime. La côte mauritanienne étant l’une des plus poissonneuses du monde, les pavillons étrangers faisant cap sur l’Europe sont nombreux (chinois, japonais, grecs, allemands, espagnols, français…). Les armateurs n’hésitent pas à jouer les passeurs contre de grosses sommes d’argent (entre 2500 et 3000 euros). Les candidats au passage embarquent à bord de gros cargos à destination, le plus souvent des Canaries, ou de la péninsule ibérique. Le passage se fait aisément au moment de l’arrêt biologique [4][4]Période, de septembre à octobre, durant laquelle la pêche est…, lorsque les bateaux se rendent aux Canaries pour réparation. Les équipages, constitués de migrants, en profitent pour débarquer à Las Palmas. Certains Bissau-Guinéens, déjà en Europe, pratiquent la technique du billet « pré-payé » en payant directement les capitaines portugais pour leurs frères restés à Nouadhibou.
11La seconde solution est encore maritime, mais cette fois-ci moins sécurisée. La technique consiste à s’introduire clandestinement sur le bateau la nuit, à l’aide de pirogues qui s’amarrent aux chalutiers. Il faut compter autour de 500 euros, mais les risques sont grands et les capitaines n’hésitent pas à jeter le clandestin à la mer au moindre contrôle.
La troisième voie est terrestre (1000-1500 euros). La proximité géographique avec le Maroc/Sahara Occidental (quelques kilomètres à vol d’oiseau) ouvre d’autres perspectives. Les pick-up quittent Nouadhibou la nuit pour traverser la frontière au Nord, entre les mines dispersées le long de la frontière qui rendent toute échappée en solitaire impossible. Certains, n’ayant pas les moyens de payer le transport, gagnent Zouerate avec le train minéralier qui assure la liaison. De Zouerate, ils suivent les pistes en direction de Smara ou Layoun (Sahara Occidental). Mais, la zone est patrouillée par les hommes du Polisario qui bien souvent livrent les migrants au gouvernement algérien.
130 migrants disparus en Méditerranée: une «honte» pour le pape François
Le pape François a qualifié dimanche 25 avril de « honte » le sort de 130 migrants portés disparus depuis jeudi à la suite d’un naufrage en Méditerranée, et s’est dit « très attristé par cette tragédie ».
Le pape François a qualifié dimanche 25 avril de « honte » le sort de 130 migrants portés disparus depuis jeudi à la suite d’un naufrage en Méditerranée.
« Je vous confesse que je suis très attristé par la tragédie qui encore une fois s’est produite ces derniers jours en Méditerranée. Frères et soeurs, interrogeons-nous tous sur cette énième tragédie. C’est un moment de honte », a dit le pape François aux fidèles à l’issue de la prière Regina Coeli, place Saint-Pierre au Vatican.
Ils ont « deux journées entières vainement imploré de l’aide »
« Cent trente migrants sont morts en mer, ce sont des personnes, ce sont des vies humaines qui ont pendant deux journées entières vainement imploré de l’aide. Une aide qui n’est pas arrivée », a poursuivi le pape François. « Prions pour ces frères et soeurs et pour tant d’autres qui continuent de mourir lors de ces voyages dramatiques. Prions aussi pour ceux qui peuvent aider mais préfèrent regarder d’un autre côté. Prions en silence pour eux », a conclu le pape.
L’ONG SOS Méditerranée avait indiqué jeudi 22 avril avoir repéré au large de la Libye une dizaine de corps près d’un bateau pneumatique retourné qui avait été signalé en détresse avec environ 130 personnes à bord.
Les ONG humanitaires accusent les pays de l’Union européenne non seulement de ne pas vouloir secourir les migrants en danger dans la Méditerranée, mais également d’entraver leurs propres activités de sauvetage.
Selon des chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) arrêtés au 21 avril, au moins 453 migrants ont péri depuis le 1er janvier 2021 en Méditerranée, essentiellement sur cette route centrale au départ de la Tunisie et de la Libye.
RFI