Migration saisonnière, va-et-vient, migration internationale ? L’exemple des Sénégalais à Nouakchott
La trentaine d’Etats africains, dont la Mauritanie, le Sénégal et le Mali, qui, en l’absence de l’Algérie cependant, ont pris part à la conférence de Rabat en juillet 2006, pour discuter des possibilités d’endiguer, réduire, voire stopper, les flux migratoires en direction de l’Europe, ont ainsi donné leur aval à la politique européenne de migration qui en fait les gardiens de l’Europe en échange d’une aide au développement. Ils sont dès lors devenus des « pays de transit » chargés d’intercepter les migrants, illégaux potentiels, en chemin vers l’Europe.
Les politiques européennes de migration imposées dans cet espace font que de nombreux migrants, internationaux comme saisonniers, en sont bien souvent refoulés non pas forcément vers leur lieu d’origine mais de facto vers leur lieu de provenance qui est, dans l’espace qui nous concerne ici, la Mauritanie, pays sahélien qui fait dorénavant partie de la nouvelle ceinture des pays de transit (new migration band : Baldwin-Edwards 2006 : 316). Un pays touché par la désertification, par la pauvreté et qui est donc lui-même pays de migration..
Les migrations ouest-africaines, longtemps dirigées vers la sous-région en tant que migrations saisonnières deviennent intercontinentales et prennent un caractère circulaire à partir des années 1980 en se dirigeant vers l’Europe et en changeant de formes (Tall 2002 : 551 ; Marfaing 2003 : 48). Beaucoup de Subsahariens vivent dans les villes du Maghreb et du Sahel, en partie parce qu’ils sont en situation d’échec dans leur stratégie migratoire vers l’Europe mais surtout parce que l’espace Maghreb-Sahel est un « espace travaillé » (Bredeloup 2006) qui continue à drainer les migrations saisonnières. Aujourd’hui toutes les formes de migrations ancrées là se confondent et les politiques européennes de migration font des migrants libres de circuler dans l’espace CEDEAO des migrants illégaux potentiels.
A l’exemple des Sénégalais à Nouakchott, nous tentons de montrer dans cet article comment les politiques européennes de migration entravent non seulement la libre circulation des Subsahariens dans cet espace qui, historiquement a toujours été un espace d’échanges et de mobilité, mais aussi les privent des possibilités d’organiser leur vie économique et ainsi de mettre en valeur les potentiels de développement qui s’offrent à eux, tant dans les pays de migrations de travail que dans leurs pays d’origine.